“Identità Golose”: pâtes industrielles ou artisanales

Pour bien manger dans un pays, il faut en connaître la culture, l’idiosyncrasie, le produit…, prêter attention aux choses qui le distinguent. Se centrer sur ses spécialités, sur tout ce qu’il a sublimé. Et en Italie, la quantité de matières éminentes est telle, que la gastronomie peut être considérée comme l’une des plus prestigieuses et économiquement influentes du monde.

Et ce, en raison de divers facteurs. Il s’agit d’un pays qui offre un meilleur produit et qui mérite même d’être considéré comme le numéro un dans bien des domaines. Sur le plan de la variété et de la qualité des légumes. De la passion pour les champignons. De la multiplicité et de l’exquisité des huiles d’olives vierges. Du vinaigre : celui de Modène étant devenu le vinaigre par antonomase. Des pâtes : ils en sont les rois. Des cultures, des types et des cuissons de riz : ils sont de loin les meilleurs du Vieux Continent. De la charcuterie, qui se distingue par son identité et son premier choix. Les Italiens ont fait du pain et de ses préparations un véritable délice. Ils ont mythifié la truffe blanche. Bien qu’ils ne produisent pas les meilleurs anchois salés du monde, ils en mangent et ont fait école sur la côte Cantabrique. À l’heure actuelle, ce sont eux qui élèvent les meilleurs pigeons. Ce sont des maîtres glaciers. Ils maîtrisent le café comme personne. Combien de fromages au monde peuvent être comparés au gorgonzola et au parmesan ? Ou à une mozzarella de buffle comme celle que l’on peut savourer à La Tradizione, une boutique située Via R. Bosco, 969 - 80069 Vico Equense (Tél. : 00.39. 0818028869 ; adresse électronique : info@latradizione.com). Sur le plan des vins, après les bordeaux, il y a les piémontais, les barolos et les barbarescos, sans oublier les amarones du Veneto. La qualité des restaurants traditionnels populaires est même enviable et probablement supérieure à la française et l’espagnole.

Comme partout, il y a toutefois des carences. La plus grave, qui représente une tragédie nationale —très humaine, vécue par toutes les communautés incapables d’évoluer sans antagonismes, d’additionner, de perfectionner, de créer…— c’est le recours à la “cucina di mamma mia”, qui est devenu une véritable rengaine. Tant que perdurera cette attitude de vie, cette tendance à se tourner plus vers le passé que vers l’avenir, à garder le mot “tradition“ aux lèvres, à se délecter dans les mœurs et le localisme, la gloire restera hors de portée.

Et aujourd’hui, la gloire est dictée par une pléiade d’auteurs qu’un pays est capable d’engendrer. C’est pourquoi nous tenons à féliciter Paolo Marchi et son congrès Identità Golose – rimuovi@identitagolose.it-, qui se tiendra à Milan du 23 au 25 janvier, en faveur de l’avant-gardisme culinaire représenté par Maximiliano Alajmo (”Le Calandre”), Carlo Cracco (“Cracco-Peck”), Paolo Lopriore (“Il Canto. Hotel Certosa di Maggiano”), Enrico Crippa (“Ristorante in Piazza Duomo”), Moreno Cedroni (”Madonnina del Pescatore”), quelques-uns des jeunes chefs obstinés à faire passer un message original. L’Italie sera-t-elle capable de recruter des noms en faveur de la cause de la cuisine artistique ? Nous croyons que oui, les yeux fermés. Et à partir de là, il s’agira de doter le mouvement d’une dimension sociale, capable de transformer la haute cuisine artisanale en une idéologie dominante.

Une révolution qui implique une régénération éthique de l’attitude des cuisiniers. Comment expliquer que la quasi-totalité des pâtes proposées dans les restaurants gastronomiques sont industrielles ? L’élaboration artisanale n’est pas incompatible avec le progrès.

Dans un pays d’artistes, le design ne peut se réduire à l’emballage, aux garnitures, aux décorations, aux sauces… l’essentiel doit primer. Et l’essentiel, c’est de donner la meilleure qualité et personnalité possibles au produit et de savoir l’assembler sur un fond inédit et consommé. Ne perdons pas de vue que l’imagination est une valeur ajoutée du virtuose.