Michel Guérard: Prix International 2006 lomejordelagastronomia.com

J’ai toujours éprouvé une passion démesurée pour Michel Guérard. Personnellement, au début des années 80 du siècle dernier, vers 1981-82, il m’a fait découvrir une autre dimension gastronomique. Beaucoup de choses y ont contribué. Le Jardin du curé a par exemple fait sentir à tous les visiteurs du paradis des Prés d’Eugénie, à Eugénie-les-bains, dans les Landes, l’univers de fraîcheur exubérant des herbes aromatiques. Michel a marqué une époque, tout comme Rob Baan avec « Koppert Cress » le fait aujourd’hui avec les micro-végétaux, depuis les Pays-Bas. La mise en avant de la cuisine saine et svelte a créé un précédent parmi les chefs et gourmets, dont les mentalités ont changé, assumant que ce qui importe, c’est la qualité, la qualité sans excès de quantité, de graisse… Aujourd’hui encore, les livres de recettes de Michel Guérard – La Grande Cuisine Minceur, La Cuisine Gourmande, etc. – restent les meilleures références, la différence résidant dans le fait qu’il apporte une réponse à tous les doutes du lecteur, dont toutes les incertitudes sont levées. Tout est minutieusement explicité, au gramme de sel et de poivre près. Sans parler de ses plats, géniaux, tant sur le plan du perfectionnisme que de l’imagination. Des festins inoubliables. Pour résumer, je dirais que quand quelqu’un me demande quels ont été les chefs qui ont écrit l’Histoire des dernières décennies, il y a six noms que je n’hésite jamais à citer : Michel Guérard et Alain Chapel pour la Nouvelle Cuisine, puis Joël Robuchon et Frédy Girardet, suivi chronologiquement de Michel Bras et Ferran Adrià. Comment mieux louer ce personnage pour la postérité ?

Du haut de ses 73 ans, Michel Guérard continue de distiller de grandes essences, aussi incroyable cela puisse-t-il paraître. Il conserve son esprit d’artiste. Un anti-conformisme paisible basé sur l’érudition, la technique, le raffinement. Bref, l’œuvre d’un sage qui évolue avec son temps. Il assume son rôle avec la perspicacité digne des grands élus. Il mise sur l’avenir avec intelligence tout en assumant l’histoire et son âge. Aux côtés de créations éminemment modernes et talentueuses, il propose les plats qui l’ont rendu célèbre. La carte affiche fièrement des titres destinés à la postérité, que le sybarite a toujours envie de revivre, tant par plaisir palatal qu’intellectuel, comme par exemple « l’oreiller moelleux de mousserons et morilles », un ravioli translucide légendaire aux cèpes inventé en 1978 après un voyage en Chine. Ou le homard rôti fumé sur le gril aux arômes de bois, précurseur de la cuisson sur braises en haute cuisine. Ou encore le Hachis Parmentier d’oie, ris de veau et truffe noire, dont la version originale (1985) a été revue et corrigée en vue d’obtenir la symbiose parfaite entre le gourmand et le gourmet. Ou la pêche caramélisée au sucre candi avec crème glacée à la verveine, inspirée de la Melba d’Escoffier, avec une glace regorgeant de fraîcheur et d’exquisité. Ou le millefeuille, unique au monde, maintenant enrichi au café, crème de pamplemousse et fraises. Et bien d’autres choses, comme le pain, d’une authenticité campagnarde inexplicable.

Michel Guérard « patromonialise » tous ces joyaux de la gastronomie et continue d’incorporer des créations aussi méritoires que les huîtres, charnues, regorgeant d’iode, recouvertes d’une chantilly au café vert et parsemées de touches de gingembre et de feuilles de coriandre ; des contrastes passionnants proposés en un équilibre magique. Ou que la crème glacée aux petits pois avec leurs graines, fèves et asperges, recouverte de feuilles vertes variées et assortie, au centre de l’assiette, d’une île flottante enrichie de deux cuillères de sauce à la truffe ; une synthèse soupe-salade géniale qui projette la pureté de la nature printanière et représente l’un des mets de légumes les plus perspicaces qui soient. Le carpaccio de homard imprégné d’eau-de-vie à l’Armagnac avec sauce cocktail et salade fait preuve d’un équilibre magique presque impossible à obtenir, car imprégner un fruit de mer mi-cru sans excès n’est pas une mince affaire. Les rougets sur braises assortis de spaghettis enrichis aux entrailles d’araignée de mer allient concrétion et complexité, saveur et beauté. La lamproie s’exprime au sein d’une sauce au vin blanc sucré tout à fait pertinente. Le pigeonneau, consistant, sanglant, onctueux, dans son jus, assorti de garnitures aussi convoitées et délicieuses que le foie gras et les truffes, le tout enveloppé dans un millefeuille, représente la perfection historique de la gastronomie marquée de la griffe du maître.

Michel Guérard : un chef immortel.

LES PRES D´EUGENIE.
Adresse: 40320 Eugenie-les-Bains. Landes.
Tel. (+33)0558050607
Jours de fermeture: los meses de enero y febrero
E-mail: reservation@michelguerard.com
Prix à la carte: 170/200 €
Prix menu de dégustation: 135, 155 y 175 €.

1.- Une ile flottante comme un jardin, truffes râpées en purée chaude
2.- Rouget légèrement fumé au feu de bois
3.- Les huîtres juste ouvertes "a la perle"
4.- Carpaccio de homard au armagnac