Gualtiero Marchesi

Gualtiero Marchesi inspire de belles paroles. Ce meneur de la nouvelle cuisine en Italie a déjà inscrit son nom en lettres d’or dans l’histoire culinaire de son pays. Il a su créer une œuvre clairement originale, extrêmement personnalisée et italienne, par le biais de plats dont la gloire survit au fil du temps. Son esprit et son érudition ont débouché sur une école, qu’il a créée en compagnie de disciples de la taille de Paolo Lopriore, Carlo Cracco, Enrico Crippa, Davide Oldani, Andrea Berton, etc. Une école qui, à l’image des éléments susmentionnés, jouit d’une renommée universelle.

Sa cuisine est marquée par la passion pour l’art. Il peint réellement – et comment – sur la vaisselle. Si la beauté de la disposition des composantes lui a donné du caractère, du cachet, il en est de même, voire davantage, du minimalisme. Il tend à disposer des constructions essentielles, comprenant peu d’éléments, très réfléchies, qui reflètent un talent certain, beaucoup de talent ; tellement, qu’il parvient à marquer la différence sur le plan de la concrétisation. Deux, trois, voire quatre ingrédients, à titre extraordinaire, viennent composer un corps épatant, radieux. En guise d’exemples, interminables, citons la salade de spaghettis froids assortis de caviar et de ciboulette : une révolution scénique faite de trois détails et d’une bonne dose de magie, synonymes de sybaritisme élémentaire. Autre merveille artistique : le ravioli ouvert, une audacieuse étoile circulaire de feuilles ouvertes, étalées en pointes, à l’image d’un millefeuille rond à l’intérieur cristallin. La seiche dans son encre, en plus de confirmer pour la énième fois l’obsession esthétique du maître, incorpore du volume, de la hauteur, et du relief au céphalopode, qui vient rompre la tradition dans le sens où l’ingrédient principal a été cuit séparément de la sauce ; un phénomène considéré à l’époque comme historique. Gualtiero a toujours eu un faible pour la beauté, l’innovation, la simplicité et les saveurs pures, immaculées. Tous ces éléments, accompagnés du sentiment milanais, de la technique française et d’un don privilégié du goût, tant palatal qu’intellectuel, apparaissent au sein du plus primés de risottos : riz, or et safran. Le contraste tactile entre la céréale et l’onctuosité de la sauce qui fond en un autre corps est parfait. En bouche, le riz conserve toute son identité et le safran s’exprime dans tout son éclat et son délice. Et que dire des gnocchis de pomme de terre croquante à la sauce tomate et à l’oignon frit : une recréation sage et exquise de toute une culture. Ou de la version 2000 de « la costoletta alla milanese », une réforme perspicace destinée à fêter le changement de millénaire et à s’adapter aux temps modernes. Sans oublier l’un des derniers chefs-d’œuvre, qui date de 2005 : le « dripping di pesce », une toile inspirée de Jackson Pollock, à travers laquelle le chef revendique et réinvente la mayonnaise en l’honneur des calamars et des coques. Une véritable explosion de chromatisme gastronomique : de la mayonnaise liquide jaune, de la mayonnaise liquide verte au pesto, de la sauce tomate, de la sauce noire à l’encre de seiche, des calamars et des coques. Des saveurs traditionnelles, des sauces dans un corps de modèle, d’une beauté artistique impressionnante.

Et que dire des œuvres aussi exceptionnelles que les spaghettis « Dritti », d’une droiture épatante, fruit de l’extravagance érudite de Marchesi ? Du vertueux risotto fuchsia à la betterave ? De l’érudit filet de veau Rossini revu et corrigé par Gualtiero ? Une cuisine qui se situe au-delà du bien et du mal. Concoctée par un personnage extratemporel pour qui l’art est un régal qu’il invite à savourer.

1.- Dripping de poissons
2.- Seiche
3.- Riz au jus de betterave
4.- Droite spaguetti