Mirazur

Mauro Colagreco est un personnage fascinant pour qui la fantaisie est une véritable passion. Son esprit est farci d’idées qui courent, galopent et volent dans tous les sens et s’expriment avec pétillement dans l’assiette. Ici, rien n’est banal, connu, voire prévisible. Son inspiration torrentielle en fait un chef réellement surprenant. Chaque construction est destinée à épater ; un objectif qu’il atteint à maintes reprises. Étonner : telle est devenue sa norme de vie, le leitmotiv de son travail. Son idéal ? L’imagination. Il se complaît à disposer les éléments, les saveurs, les textures et les odeurs avec hardiesse. Nous sommes en présence d’un auteur qui façonne l’art avec humilité, en toute liberté. Qui ne recule devant rien. Il va sans dire que dans ce contexte, ses propositions, extraordinairement originales, ne laissent personne indifférent. Mesdames, messieurs, voici l’un des jeunes chefs les plus talentueux du monde.
En 2008, les végétaux sont devenus l’épicentre de son œuvre ; une étape destinée à durer un certain temps. Une cuisine champêtre qui s’exprime en toute naturalité. Des saveurs immaculées reflétées à travers des articulations intellectuelles complexes. Légumes, herbes, fleurs, algues… une sensibilité verte exquise. Des végétaux omniprésents synonymes de propositions inédites. Une écologie gastronomique sous forme d’arc-en-ciel sensoriel. Le bon goût, la légèreté, le chromatisme s’expriment à travers un message vieux comme le monde et neuf comme l’esprit de l’artiste.
Le pouvoir d’invention de Mauro ne fait pas l’ombre d’un doute, comme en témoignent les 26 plats qu’il propose, dotés d’une très grande personnalité et fidèles à la philosophie qui a régi son travail l’an dernier. Indépendamment du fait que le « Menu carte blanche » sera toujours l’option la plus intéressante, il ne faudra pas manquer la salade de tomates nageant dans leur jus en compagnie de poivrons, de différents basilics et de safran ; simple, pure, expressive, séduisante et très méditerranéenne. Quelle subtilité ! Par ailleurs, le carpaccio de champignons avec quinoa, œufs d’escargots, roquette, millefeuille d’achillée, etc. est une expression artistique magnanime de la nature. Autre splendeur : les courgettes exceptionnelles du jardin du chef, réellement succulentes, à peine chauffées en vue d’en rehausser les vertus naturelles, présentées au centre d’un fabuleux bouillon de légumes rôtis en compagnie de salsepareille, de noix tendres et de bulots. L’asperge blanche rôtie à la badiane, crème aux noisettes, absinthe, fraises et fleurs représente un autre voyage paradisiaque à travers le potager terrestre. Les tripes de morue, d’une texture gélatineuse qui fond en bouche sans la moindre résistance, sont assorties de morceaux de tomate, d’une émulsion de cette dernière et d’une touche piquante qui vient rehausser le goût de la consistance du poisson. Autre moment mémorable, d’un grand impact naturel et visuel : la gamba géante de San Remo accompagnée de courgettes, pistou, sauce au citron et fleurs variées. Le sperme de thon servi avec de la livèche, des flocons de betterave et de l’harissa constitue une tentation à laquelle il vaut mieux ne pas résister. Et que dire des joues de porc, exquises, fondantes, garnies de pommes de terre Ratte écrasées, d’oignons tendres, de raifort et de roquette, qui recèlent ce savoir-faire et cette touche magique qui distinguent les êtres privilégiés comme Colagreco.
Il est très probable, voire certain, que Mauro ouvre un nouveau restaurant à moyen terme. Avant de renforcer sa qualification, laissons-lui le temps de consolider ce nouveau projet.